la saga "Bridoire" version longue


20 ANS POUR SAUVER UN DES PLUS BEAUX CHATEAUX DU PERIGORD : LE CHATEAU DE BRIDOIRE 

Situé à 12 km au sud de Bergerac, sur la commune de Ribagnac canton de Sigoules dans une campagne verdoyante, à deux pas des vignobles réputés de Monbazillac, le château de Bridoire est bâti sur un éperon rocheux affleurant le coteau sud du vallon de la Gardonnette. Le domaine couvre 40 hectares.

Sa belle architecture, restaurée et remaniée au XIX°, date des XV et XVI°siècles. Les archives attestent du site depuis le XIII°siècle. Ce château fut habité de 1806 à 1938 par les de Foucauld, famille célèbre pour avoir donné aux temps modernes un de ses plus illustres religieux : le père Charles de Foucauld qui célébra l’office dans la chapelle du château.

1978 Achat du château de Bridoire par une mystérieuse société sénégalaise

La société sénégalaise Roume-Boufflers achète le château de Bridoire. Monsieur et Madame Boissier Palun en sont les gérants. Monsieur Boissier Palun a été président du Grand Conseil de l’AOF, ministre et ambassadeur du Sénégal, il est consultant à l’UNESCO, il fut l’avocat personnel de monsieur Houphouët-Boigny, est Grand Officier de la Légion d’Honneur. L’acte d’achat est effectué chez un notaire de Périgueux ami du gérant (700 000 F), prix sans rapport avec le château composé d’une trentaine de pièces et de 15 hectares. Le gérant vient épisodiquement surveiller la réfection des toitures effectuée à grands frais par la SOTRACO, entreprise bergeracoise. Mais les travaux s’arrêtent là, l’eau et l’électricité sont coupées, Bridoire s’enfonce alors dans un long silence qui dure toujours. Les portes mal fermées, l’absence de gardien, le château devient la proie de visiteurs mal intentionnés. Au fil du temps les meubles, les tableaux, les tapisseries disparaissent. Un magnifique piano à queue, des statues du XVII° sont chargés en toute impunité. Les gendarmes s’interrogent, essaient d’alerter le gérant mais celui ci ne semble pas préoccupé par son bien, il est devenu invisible, porte plainte parfois mais reste sourd la plupart du temps aux coups de téléphone de la gendarmerie de Sigoules. Des rumeurs courent, l’ombre de Bokassa plane. Un de ses fils a été vu devant Bridoire descendant de sa Mercedes 600. Le Préfet écrit que le gérant serait le prête-nom de l’empereur du Centre Afrique. Toujours est-il que tout le monde s’interroge. En dix ans le château a subi plus d’outrages qu’il n’en a eu au cours des trois siècles derniers. Il est devenu le libre service de brocanteurs peu scrupuleux, de personnes douteuses qui trouvent là un lieu de prédilection pour faire la fête, boire et se droguer en toute tranquillité. La gendarmerie ne peut intervenir sur un lieu privé sans l’autorisation de son propriétaire. Le maire de la commune s’inquiète de toutes ces allées et venues autour du château mais ne peut joindre le gérant. L’architecte des Bâtiments de France en 1988 écrit à ses supérieurs « Propriétaire depuis près de dix ans, Monsieur Boissier-Palun n'a jamais entrepris les moindres travaux de consolidation ou de mise hors d'eau ; pire, il ne donne plus signe de vie » ; il demande le classement du château mais son courrier transmis par voix hiérarchique reste bloqué à la préfecture de la Dordogne, ce qu’il déplore.

1989 Création de notre association

Sur les conseils d’un gendarme, nous créons l’Association historique de Ribagnac pour la sauvegarde du château de Bridoire. Le président en est le maire de la commune, les adhérents quelques amoureux du site et des vieilles pierres. Le feuilleton commence. Premier article dans le journal Sud-Ouest. Nous écrivons au siège de la société sénégalaise à Dakar ; retour de la lettre, pas de société à cette adresse !

1990 Nous retrouvons la trace du gérant

Il habite à Paris dans le XVI° arrondissement. Nous lui écrivons pour le rencontrer et l’alerter sur l’état de son bien. Pas de réponse. Parallèlement nous intervenons auprès du ministère de la Culture ce qui nous permet d’obtenir l’inscription du château, du puits et du pigeonnier sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Première victoire qui réjouit l’architecte des Bâtiments de France de la Dordogne.

1991 Première manifestation

Nous organisons notre première manifestation devant le château, les personnes présentes entrent et sortent par la petite porte ouverte près du châtelet : c’est le choc ! vitraux bombardés avec des canettes de bière, portes enfoncées, parquets brûlés, tapisseries arrachées … France 2, France 3, M 6, Le Parisien et Sud-Ouest nous soutiennent en réalisant des reportages. Monsieur Roland Dumas, par l’intermédiaire de son chef de cabinet, nous confirme, après enquête au Sénégal, que « la société Roume Boufflers a cessé toute activité au Sénégal en 1984.» Devant l’impossibilité de joindre la société propriétaire, ni son gérant, tous les courriers du ministère restant sans réponse, Monsieur Jack Lang demande à la commission supérieure des monuments historique d’inscrire le dossier de classement à l’ordre du jour. Le maire prend un arrêté de péril, des pierres tombant d’un mur d’enceinte du château sur la route communale. La ferronnerie du puits, alors inscrite à l’inventaire des monuments historiques, est couchée dans l’herbe, descellée, prête à être volée. Après un constat établi par la gendarmerie, à la demande du maire, nous la transportons en lieu sûr. Elle sera sauvée, monsieur Boissier-Palun portera plainte contre les gendarmes qui sont entrés par la grande porte ouverte pour faire leur constat. La plainte n’aura pas de suite.

1992 Classement d’office du château en Conseil d’Etat

Après une nouvelle manifestation en juin la bonne nouvelle arrive. Le 31 juillet, Monsieur Pierre Bérégovoy, Premier ministre, signe le décret : le château, le puits, les dépendances et le pigeonnier sont classés en conseil d’Etat pour être remis en état. Trop tard pour l’intérieur qui a été entièrement dévasté et démoli. Une grande victoire, l’architecte des bâtiments de France de la Dordogne, avec qui nous sommes en rapport permanent, voit là enfin une possibilité de contraindre le propriétaire à faire des travaux.

1993 Nous sommes reçus à Matignon, confronté à la raison d’Etat


Le classement n’étant suivi d’aucune décision, nous écrivons à Monsieur Jacques Toubon ministre de la Culture, Madame Maryvonne de Saint-Pulgent directrice du patrimoine, Monsieur Charles Pasqua, ministre de l’intérieur. Tous restent muets sur le sujet. Aussi début juin une nouvelle manifestation a lieu devant le château. La venue de l’architecte en chef des monuments historique est alors annoncée pour établir un constat. Mais l’accord préalable et officiel du gérant de la société sénégalaise propriétaire est nécessaire pour pouvoir pénétrer dans l’enceinte privée du château. Bien sûr il reste sourd à cette demande !

Le trésorier de l’Association est reçu à Matignon par le secrétaire du gouvernement, Monsieur Renaud Denoix de Saint Marc aujourd’hui vice-président du Conseil d’Etat. Celui ci, motivé pour sauver ce patrimoine qu’il connaît bien, intervient auprès du ministre de la Culture. Il nous révèle que le classement en conseil d’Etat s’est fait en l’absence de tout document justifiant l’existence de la société sénégalaise. Depuis il a pris mystérieusement ses distances avec nous et est devenu muet. Etonnant !

Monsieur Louis Edmond Pettiti ancien avocat et bâtonnier de la cour d’Appel de Paris en même temps que monsieurBoissier-Palun qu’il connaît bien, juge à la cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg, homme très discret et réservé se penche sur le dossier Bridoire. Il nous écrit :« Vous êtes confrontés à la raison d’Etat qui couvre totalement le propriétaire, monsieur Boissier-Palun est très puissant, intouchable, protégé par tous les gouvernements. Quant à l’expropriation, vue le contexte elle est quasi impossible»

Le nouveau président de l’Association, qui a remplacé le maire, pose un cadenas pour maintenir la porte d’entrée du château fermée afin d’en limiter les visites. Il prévient l’entreprise S.O.T.R.A.C.O. (qui a refait les toitures) chargée par le gérant, une fois par an, de couper sommairement l’herbe dans la cour intérieure. Monsieur Boissier-Palun, mis au courant, dépose alors une plainte pour s’être vu empêcher de jouir de son bien ! Après convocation devant le juge, la plainte est classée sans suite. Monsieur Boissier Palun dépose un recours pour le classement de son château, il demande une indemnité de 10.000.000 F !. Le maire prend un deuxième arrêté de péril le premier étant resté sans réponse.

1994 L’Etat débloque 500 000 F

Un référé du tribunal de Bergerac donne l’autorisation à l’architecte en chef de pénétrer dans le château avec, si besoin, l’aide d’un serrurier et de la gendarmerie. Une première étude est faite en présence d’un avocat bergeracoisreprésentant la société propriétaire. Les premiers travaux d’urgence sont définis : mur d’enceinte Nord, fermetures des baies pour éviter le vandalisme, restauration de la couverture des ailes Ouest, divers travaux en recherche sur l’échauguette et le mur d’enceinte ainsi que la restauration du pigeonnier situé à l’extérieur du château. Les mois passent, aucune suite n’intervenant, nous organisons une nouvelle manifestation le 11 novembre en emballant médiatiquement le pigeonnier à la mode Christo avec du nylon noir. La gendarmerie nous apporte le matin de la manifestation, jour férié, une lettre du Préfet annonçant que 500 000 F sont débloqués pour une première tranche de travaux en 1995… enfin une lueur d’espoir ! Le conservateur des monuments historiques de l’Aquitaine rencontre Monsieur Boissier Palun à Paris sans aucun résultat positif.

1995 Espoir déçu, la longue attente continue
Les mois passent… Nous menons deux actions de nettoyage des douves envahies par la végétation. Monsieur Douste-Blazy est contacté directement par un de nos adhérents sans effet. Pour nous faire patienter et gagner du temps une étude supplémentaire avec chiffrage des coûts des travaux sur le pigeonnier est demandée à l’architecte en chef qui revient sur place. Il n’est pas question des autres travaux d’urgence sur le château lui-même. La commission supérieure des monuments historiques doit alors statuer entre trois options : le pigeonnier est entièrement refait ou les colombages et la toiture seulement sont réhabilités ou les colombages manquants sont remplacés avec une toiture provisoire en tôle ! Nous tentons toujours sans résultat de rencontrer le gérant, la société sénégalaise reste toujours inconnue tant en France qu’au Sénégal. Monsieur Foccart, spécialiste des affaires africaines et en poste à l’Elysée, reste muet à notre appel.

1996 « Nous laisserons dépérir ce château pour punir la population »

La commission supérieure des monuments historiques choisit pour le pigeonnier la troisième option : la toiture en tôle ! L’Association propose alors d’acheter des tuiles anciennes pour éviter la tôle, l’architecte en chef favorable à cette initiative se voit contraint d’y renoncer. Les mois passent…

La commission d’accès aux documents administratifs (C.A.D.A.) qui dépend du Premier Ministre reconnaît que les statuts de la société propriétaire nous sont communicables. Aussitôt Monsieur le Préfet, représentant de l’Etat, qui a engagé une procédure judiciaire contre cette société, reconnaît être dans l’impossibilité de nous justifier son existence.

Monsieur Roland Dumas propose une réunion avec des élus pour tenter de trouver une solution. Monsieur Douste-Blazy donne ordre de ne pas donner suite à cette proposition en ne répondant pas.

Le député maire de Bergerac monsieur Daniel Garrigue intervient à la tribune de l’Assemblée nationale. Réponse du Ministre « le ministère est déterminé à sauver ce château en respectant les formalités prévues par les lois. Un accord avec le propriétaire aurait été souhaitable mais il n’a pas été possible…»

Le député maire de Bergerac obtient une rencontre à Paris avec Monsieur Boissier-Palun à une condition : la présence de Monsieur Jacques Foccart, l’homme des Affaires Africaines de 1950 à 1996. Au cours de cette entrevue Madame Boissier-Palun révèle «nous laisserons dépérir ce château pour punir la population » ! Aucune avancée bien sûr n’en résulte.

Troisième opération de débroussaillage dans les douves.

1997 Le pigeonnier est enfin sauvé

Il aura fallu attendre 5 années depuis le classement pour voir arriver les ouvriers. Colombages abîmés refaits en chêne et toiture en tôle ( horrible !). 225 000 F ! Beaucoup ne comprennent pas ce coût et voient là matière à un nouveau scandale. Que sont devenus les 500 000 F débloqués en 1995 ? Que sont devenues les tuiles, en état, récupérées sur la toiture ? Mystère ! Le gérant doit rembourser à hauteur de 50 % le montant de ces travaux… Nous allons voir.

Madame Catherine Trautmann devient Ministre de la Culture, nouvel espoir, nous relançons la proposition de réunion faite par Monsieur Roland Dumas. Pas de réponse au bout de deux mois mais une proposition de faire revenir l’architecte en chef pour examiner la situation …mais il faut une nouvelle autorisation pour entrer…nouveau référé…, commission supérieure …nous sommes repartis pour 5 ans !

Les portes du château sont fracturées en juillet (vol des portes intérieures ). Nous posons deux cadenas et portons un double à l’entreprise SOTRACO.

Pour la journée du patrimoine, le 20 septembre, les façades extérieures sont illuminées sur fond musical de musique médiévale. Gros succès.

1998 Les défenseurs du patrimoine devant le tribunal correctionnel
Les courriers envoyés au ministère, à la DRAC de Bordeaux, au Préfet restent tous sans réponse. La loi du silence. Pourtant les dégradations continuent, dues aux toitures percées et aux visiteurs qui rentrent par la façade Nord. Face à un Etat totalement défaillant qui se refuse à appliquer les lois de la République il nous faut de nouveau monter au créneau. Nous programmons une occupation symbolique du château dont nous avons les clés. T.F.1 ouvre le feu en consacrant plus de 8 minutes d’antenne sur Bridoire lors de l’émission «Reportage» du 4 avril montée par monsieur Robert Werner, responsable de l’unité Patrimoine à T.F.1. Le Sous-Préfet, le Commandant de gendarmerie et le Procureur de la République nous convoquent pour nous demander de renoncer à notre occupation du château. Ils sortent de leurs chapeaux une visite soudaine à Bridoire, dans les trois jours qui viennent, du conservateur des monuments historiques de l’Aquitaine. Ils s’engagent à nous mettre par écrit cette nouvelle et à nous faire porter par la gendarmerie ce courrier avant notre manifestation. Promesse qui ne sera pas tenue. Ils laissent planer des menaces pour la carrière de ceux d’entre nous qui sont fonctionnaires. Ambiance !


Nous investissons le château le dimanche 26 avril. Les gendarmes nous regardent pénétrer. Des personnes habilitées en civil nous filment, nous photographient. A la fin de la manifestation le Commandant de la gendarmerie (en liaison radio permanente) fait saisir notre pétition sur laquelle 854 visiteurs ont eu le courage d’inscrire leur nom puis il tente de se faire remettre les caméras et cassettes tournées par France2, France3 et Aqui TV. Initiative rarement vu en France. Une altercation entre le commandant de gendarmerie les journalistes et les caméramens s’en suit. GeorgesPernoud, « Monsieur Thalassa », venu en voisin défendre ce patrimoine, intervient pour tenter de calmer les esprits. Finalement les journalistes repartent avec leurs caméras et cassettes mais aussi une promesse de convocation devant le tribunal ! Le soir France2, France 3, Aqui TV et plusieurs radios relatent notre manifestation. Tout le monde a pu voir l’état déplorable de ce patrimoine qu’il ne fallait manifestement pas montrer. Notre but était atteint.

Dès le lendemain, sur directives, les 854 signataires doivent être convoqués à la gendarmerie. Devant l’ampleur de la tâche le Procureur de la République est contraint de ramener l’effectif aux journalistes présents, aux élus et aux membres de notre bureau. Après les dépositions, 16 personnes triées sur le volet, se retrouvent traduites devant le tribunal correctionnel de Bergerac pour s’être introduites et maintenues dans le château de Bridoire : le Conseiller Général, 6 maires des communes environnantes et 9 membres de l’association dont le curé et notre avocat bénévole maître Morand-Monteil qui ainsi se trouve dans l’incapacité de nous défendre. Bien vu ! Les journalistes ont disparu de la liste. Pour justifier toute cette procédure hâtive initiée par le procureur et le préfet, dont le seul but est de nous réduire au silence, deux gendarmes sont dépêchés un mois plus tard à Paris pour recueillir une plainte de MonsieurBoissier-Palun qui demande outre des dommages et intérêts la dissolution de l’Association !


Le 30 juin (qui dit que la justice est lente en France ?) nous nous présentons à 13 heures 30 devant un palais de justice gardé par un peloton de gendarmerie. Le président du Conseil Général, des députés, des maires et de nombreuses personnes sont présentes à l’extérieur pour nous soutenir. L’entrée leur est interdite ! 7 heures d’attente, 6 heures d’audience, huis clos, un procureur qui joue son numéro, provoque et humilie les uns et les autres, explique que Bridoire est un des rares château du Périgord à ne pas avoir les toitures qui fuient… Justice déroutante, inquiétante pour notre première expérience. Le procureur demande 4 000 F d’amende pour chacun des prévenus et 10 000 F pour l’Association. Nous sortons à 2 heures 30 du matin ! Verdict le 4 août.

Afin de faire pression sur les juges, le directeur régional des Affaires Culturelles oublie son devoir de réserve et monte au créneau. Il fait une déclaration, quinze jours avant le verdict, dans le Journal Sud-Ouest expliquant que l’Association a un rôle néfaste et nous traite de cow-boys. Il lui sera facile, un mois plus tard de dire que ses propos ont été mal interprétés par le journaliste, le mal a été fait en pure perte d’ailleurs.


4 Août : relaxe générale bien sûr. Bridoire n’est plus un domicile depuis longtemps et il était difficile de nous reprocher d’être entrés par effraction puisque c’est nous qui avions posé un an et demi plus tôt les cadenas sur les portes d’entrée du château pour maintenir fermé l’édifice. Cet épisode pour sauver un patrimoine classé a été, il faut le reconnaître, difficile à vivre. Les défenseurs du patrimoine sont poursuivis devant la justice, les casseurs, pilleurs ou le propriétaire restent totalement intouchables. Des serviteurs de l’Etat et une justice qui s’emballent sur cette affaire qui se voudrait mineure, des repères qui n’existent plus, un choix arbitraire de prévenus, tout cela était inquiétant. Heureusement le verdict est plus conforme à la réalité. Le gérant fait appel mais pas le Procureur…à suivre !

Deux mois plus tard nos trois interlocuteurs Sous Préfet, Commandant de gendarmerie Procureur de la Républiquene sont plus en poste à Bergerac…surprenant !

Début septembre nous sommes convoqués à Bordeaux par le Directeur de la DRAC puis par le Préfet de la Dordogne. Même discours, la situation n’a que trop duré, une seule solution désormais : l’EXPROPRIATION. « Vous pouvez préparer un projet pour faire revivre le château. » Quant au puits classé à l’intérieur de la cour qui a été rasé au mois de juillet sans en avertir qui que ce soit, le Directeur des affaires culturelles et l’architecte des bâtiments de France sont unanimes pour que cette infraction ne reste pas impunie. Une plainte devra être déposée, le propriétaire sera condamné et il devra reconstruire. Ces engagements de la part d’un directeur des affaires culturelles et d’un Préfet nous redonnent le moral mais notre expérience nous invite néanmoins à la prudence.

Deux mois plus tard, nouvelle convocation de l’Association chez Monsieur le Préfet en présence du nouveau Sous Préfet de Bergerac, du Conservateur de l’Aquitaine, de l’architecte des bâtiments de France, du directeur de cabinet… Impressionnant. Monsieur le Préfet prend la parole pendant quinze minute avec interdiction de le couper : « L’expropriation n’est plus à l’ordre du jour, le propriétaire s’est engagé à faire des travaux si vous ne le harcelez plus. Pour preuve il vient de dépenser 100 000 F pour poser des barbelés sur 200 mètres et deux plaques de béton sur deux puits.» Nous croyons rêver ! Quant au puits rasé sans autorisation, Monsieur le Préfet en endosse rétroactivement l’initiative, coupant ainsi toute possibilité de plainte aux représentants du ministère de la Culture qui restent muets au garde à vous autour de la table. Il se permet un petit commentaire en passant sur le verdict du procès qui lui a déplu et nous ressortons de cette rencontre consternés par tant de désinvolture, de mensonge, d’hypocrisie. Les 100 000 F de travaux ne nous seront jamais confirmés par l’entreprise SOTRACO.

1999 Plainte de l’Association contre le propriétaire

Après une rencontre avec le Président du Conseil Général et tous les députés de la Dordogne l’un d’eux rencontre Madame Catherine Trautmann, ministre de la Culture, sans résultat. Après divers courriers qui restent sans réponse, nous déposons une plainte à l’encontre de la société propriétaire pour le puits classé rasé sans aucune autorisation et pour le château à l’état d’abandon. Nous nous substituons ainsi malheureusement aux responsables de l’Etat défaillant. La visite du conservateur, annoncée par le Sous Préfet la veille de la manifestation, n’a toujours pas eu lieu, elle était non fondée selon monsieur le préfet. Quant aux travaux du propriétaire c’était tout simplement un chantage pour gagner du temps.

Notre plainte, déposée après à la disparition du puits classé rasé sans autorisation, est curieusement classée sans suite en septembre 1999. Ce classement est consécutif à la remise d’un rapport, établi par madame l’architecte des Bâtiments de France, au procureur de la République de Bergerac. Nous cherchons à lire ce document. Malgré un avis favorable de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs, tous les responsables des services concernés ( le procureur de la République de Bergerac, l’architecte des bâtiments de France, ainsi que le directeur de la D.D.E qui le possédait) refusent systématiquement de nous le communiquer. Bizarre ! Un rapport sur un puits rasé devenu un document classé secret défense, c’est surprenant !

2000 Nouvelle plainte du gérant, expropriation annoncée par le Ministère de la Culture
En juillet 1999 nous sommes contraints pour la troisième fois de poser des cadenas afin que les portes du château restent fermées. 7 mois plus tard un délateur bergeracois que nous arrivons à identifier (le chef des travaux de l’entreprise SOTRACO) nous dénonce auprès de monsieur Boissier-Palun qui s’empresse de déposer une nouvelle plainte sans suite à ce jour. Nous poursuivons nos recherches pour obtenir le mystérieux rapport de madame l’architecte. Finalement, après 9 mois de démarches et de coups de téléphone, notre obstination est récompensée grâce à une employée contractuelle travaillant à mi-temps au tribunal de Bergerac. Manifestement pas au courant des consignes, elle nous l’envoie par retour du courrier.

Surprise et écœurement! Madame l’architecte pour couvrir son supérieur hiérarchique, le préfet de la Dordogne, responsable du comblement du puits a écrit plusieurs contre-vérités tout en jetant le discrédit sur notre association. Elle n’hésite pas à écrire que le puits a été comblé à la demande de monsieur François Barré, directeur du Patrimoine à Paris, lui faisant ainsi endosser à son insu et rétroactivement une infraction reconnue pour laquelle il est totalement étranger. Cette façon d’agir est totalement inacceptable. Nous interrogeons monsieur le Premier Ministre ainsi que monsieur le Ministre de l’Intérieur pour savoir s’il est normal qu’un préfet utilise son administration pour fournir de faux renseignements à la justice de peur de s’y trouver confronté.

Embarras en haut lieu semble-t-il. Notre courrier voyage de bureau en bureau entre le cabinet de monsieur le Premier Ministre, le cabinet de madame la ministre de la Culture, celui du secrétaire d’Etat à la culture et celui du directeur du patrimoine. Finalement madame Sylvie Clavel, conseillère pour l’architecture et le patrimoine de madame Catherine Tasca ministre de la Culture, nous invite à venir à Paris pour la rencontrer. Ce que nous faisons, le 18 juillet, en présence de monsieur Goven sous-directeur du Patrimoine et responsable du dossier. Après avoir tenté de minimiser cet incident qualifié de « maladresses regrettables » nous nous voyons proposés une avancée significative du dossier : l’EXPROPRIATION par l’Etat de la société sénégalaise propriétaire. C’est ce que nous espérions. Cette soudaine évolution est justifiée par le rapport alarmiste sur l’état du château, établi en février 2000, par l’architecte en chef des monuments historiques et l’impossibilité de tout dialogue avec le gérant de la société sénégalaise propriétaire. Madame sylvie Clavel reconnaît néanmoins, comme l’avait fait le conservateur des monuments historiques de l’Aquitaine, que tout n’a pas été très normal dans la gestion de ce dossier en particulier le refus de nous communiquer le rapport de madame l’architecte.

La mesure d’expropriation est soumise, début octobre, à la commission supérieure des monuments historiques qui donne un avis favorable. Monsieur le préfet de la Dordogne devra la mettre en œuvre, il nous annonce fin novembre que la décision est imminente. L’Etat, deviendra alors propriétaire du château de Bridoire, puis le rétrocèdera au repreneur dont le projet sera le plus pertinent tout en respectant un cahier des charges bien précis. Deux repreneurs privés seraient déjà sur les rangs. Plusieurs mois vont être nécessaires pour procéder à l’expropriation. Nous rencontrons les élus de la nouvelle structure liée à l’intercommunalité (mise en place du « Pays ») Ils se proposent de monter un ou plusieurs projets pour faire revivre ce site, en faire un pôle touristique majeur vitrine du Bergeracois. Tout est désormais mis en place pour le futur. L’expropriation annoncée pour le mois de décembre tarde à venir. Monsieur Boissier-Palun demande à être reçu au ministère de la Culture.

2001 l’attente continue puis enfin la mise en œuvre de l’expropriation.

L’entrevue a finalement lieu le 15 février et ne débouche sur aucun résultat concret. Les responsables du ministère de la Culture lui demandent de mettre par écrit sous un mois ses intentions pour pouvoir statuer sur l’expropriation… La réponse est jugée insuffisante, monsieur Boissier Palun se voit alors, en avril, confirmé par écrit qu’il va être exproprié. Il répond par une lettre d’injures. La signature de la mise en œuvre de l’expropriation par le préfet de la Dordogne est sur le bureau de madame Wanda Diebolt directrice du patrimoine, mais coup de théâtre, la conseillère de madame la Ministre de la Culture veut encore tenter une ultime médiation avec le gérant. Il ne répond pas. Finalement la mise en oeuvre de la procédure d’expropriation est signée à Paris le 7 juin par madame la ministre de la Culture. Elle arrive sur le bureau du préfet de la Dordogne le 22 juin ! Il aura fallu 12 ans !

Notre vice-président se rend à Dakar et enquête. Point de société Roume-Boufflers à l’adresse indiquée qui d’ailleurs n’existe plus, un palais dans l’île de Gorée à l’abandon lui aussi, et confirmation que nous sommes bien en présence d’une société fictive qui a servi à blanchir de l’argent. Monsieur Boissier-Palun ne jouit plus de la réputation et des protections qu’il a pu avoir par le passé.

Le 18 juillet, monsieur Thierry Le Roy, nouveau préfet de la Dordogne, nous reçoit très cordialement pour nous confirmer qu’il a va lancer la procédure d’expropriation. Il s’est déjà rendu à Bridoire et a conscience qu’il faut prendre des mesures de protection le plus rapidement possible. Monsieur Michel Suchod, président du Pays du Grand Bergeracois, a l’issue d’une réunion avec le conservateur des monuments historiques de l’Aquitaine et le préfet de la Dordogne nous révèle que cette procédure s’appuyant sur les lois de 1913 sur les édifices classés vont s’appliquer en France, pour la première fois, faute d’un accord avec le propriétaire du château.

Quelques jours avant le délai de prescription des trois années suivant le verdict de relaxe du procès de 1998 ( 4 août 2001) les 16 relaxés et l’Association reçoivent une nouvelle convocation pour comparaître, en appel, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux le 19 septembre. Mais l’association en tant que personne morale et le curé reçoivent leurs convocations après le délai, ubuesque et inacceptable! C’est le société sénégalaise qui cette fois a fait appel. L’avocat général reconnaît le bien fondé de notre combat, l’état d’abandon du château et demande aux juges de confirmer le jugement de relaxe déjà obtenu trois ans plutôt à Bergerac…Le 7 novembre la société sénégalaise est déboutée, sa demande est mal fondée. Mais monsieur Boissier-Palun n’acceptant pas cet arrêt de la cour d’appel de Bordeaux fait un pourvoi en cassation…à suivre.

Nouvelle plainte de monsieur Boissier-Palun contre le président et le vice-président de l’association, la journaliste et le directeur du journal Sud-Ouest, motif diffamation ! L’article datée du 20 juillet 2001 parlait de société fantôme, de palais, de jacques Foccart…il n’a pas apprécié ! C’est la 14° procédure judiciaire engagée par le gérant de la société sénégalaise. Il n’a jamais obtenu gain de cause dans les onze procédures précédentes déjà jugées. Le harcèlement judiciaire continue.

2002 la procédure d’expropriation démarre

14 janvier 2002 par un arrêté, le préfet de la Dordogne lance « les enquêtes préalables à la déclaration d’utilité publique et parcellaire concernant le projet d’expropriation pour le compte de l’Etat du château de Bridoire et de ses dépendances » Elles dureront du 15 février 2002 au 15 mars 2002. Sur 248 dépositions une seule est défavorable à l’expropriation, celle de l’avocat de monsieur Boissier-Palun. Les commissaires enquêteurs, au nombre de trois, rendent leur rapport totalement favorable à l’expropriation. En février, la Cour administrative d’Appel reconnaît que la phrase du chef de cabinet du ministre des Affaires Etrangères : « la société Roume-Boufflers a fermé ses portes et n’a plus aucune activité au Sénégal depuis 1984 » n’est pas inexacte et monsieur Boissier-Palun n’a pu en apporter la preuve du contraire. Le 26 avril, le préfet de la Dordogne signe l’arrêté qui déclare d’utilité publique l’acquisition du château de Bridoire par l’Etat soit par voie d’expropriation, soit à l’amiable. Stupeur ! Lorsque nous recevons celui ci nous constatons qu’il est entaché d’erreurs grossières : « le château sur la commune de Bridoire, le maire de Bridoire. » Commune fantôme. Le préfet est obligé d’abroger ce premier arrêté pour en reprendre un second le 15 mai. Le gérant qui se voit signifier l’expropriation de son bien engage aussitôt deux nouvelles procédures judiciaires pour abus de pouvoir, l’une devant le tribunal administratif de Bordeaux, l’autre devant la Cour de Cassation.


Encore des émotions ! Les portes du château sont de nouveau ouvertes. Les cadenas gisent dans l’herbe, ils ont été ouverts sans effraction manifestement par des gens qui possédaient les clés et n’ont pas pris le temps de les refermer. Pourquoi ? nouveau mystère. Nous refermons une fois encore la porte avec nos cadenas, nous obstruons l’accès par le mur de la façade sud, le château recevant la visite de casseurs. Un courrier envoyé au gérant de la société Roume-Boufflers à Dakar revient estampillé : « est parti sans laisser d’adresse. » Un comité de pilotage réunissant une vingtaine de personnes se réunit à quatre reprises au sein du Pays du Grand Bergeracois pour élaborer un projet.


L’Administration des Domaines doit désormais estimer la valeur du bien exproprié et faire une proposition à monsieur Boissier-Palun. Difficile de trouver des moyens de comparaison, une somme de 256 000 euros est retenue et proposée au gérant qui ne répond pas. Le juge des expropriations, le commissaire du gouvernement se transportent alors en novembre sur les lieux en compagnie d’un représentant du préfet pour fixer définitivement l’indemnité. A leur étonnement ils ont l’autorisation de visiter les lieux en présence de maître Dandine avocat de la société sénégalaise. L’Association semble avoir œuvré efficacement dans la plus grande discrétion pour que cette visite ait lieu.


Côté judiciaire, nouvelle déconvenue pour le gérant de la société sénégalaise, le pourvoi en cassation confirme la relaxe suite au procès en appel du mois de novembre. Quatre ans plus tard l’épisode de la manifestation de 1998 est définitivement clos : marcher sur l’herbe de la cour du château abandonné n’est pas une violation de domicile. Quant à la procédure pour diffamation à l’encontre du président, du vice-président de l’association, du journal Sud-Ouest et de sa journaliste elle est rejetée. C’est la quatorzième procédure judiciaire intentée et perdue !

2003 fin de la procédure d’expropriation

Le gérant reçoit, en janvier, confirmation de l’offre qui lui a été faite. Comme d’habitude il ne répond pas. La préfecture lui demande un relevé bancaire de sa société sénégalaise. Il répond qu’il n’a pas à le fournir contestant l’expropriation ! Le chèque correspondant au montant de l’expropriation (256.000 euros) est déposé à la Caisse des Dépôts et Consignation. Début avril l’Etat devient propriétaire du château de Bridoire. L’épisode sénégalais est terminé. Il aura fallu quatorze années de bataille juridique et judiciaire pour sauver cet édifice de la ruine programmée par son propriétaire. Désormais les travaux d’urgence peuvent commencer. La tôle est de nouveau utilisée sur les murs d’enceinte nord de la cour, impossible de faire du définitif. Les échafaudages devront à nouveau être remontés pour enlever la tôle dans quelques années, la gestion financière des Bâtiments de France laisse perplexe plus d’un contribuable ! Mais le bouquet est la refection de la toiture ouest du château avec de belles tuiles roses toutes neuves ! C’est l’indignation générale :Préfet, Sous préfet, élus tout le monde est scandalisé. Monsieur le Conservateur tente de justifier maladroitement ce choix : « elles vieilliront dans quelques années ». Il omet de dire qu’il manquait seulement quelques mètres carrés de vieilles tuiles, que le tuilier avait proposé une autre couleur afin de rendre la différence avec les autres toitures moins criarde et que les vieilles tuiles ont été soigneusement emportées pour être revendues vraisemblablement à prix d’or à un particulier. Quant au coût de l’opération payée par le contribuable impossible d’en connaître le montant. C’est secret !

2004 lancement de l’opération de mécénat pour la toiture du pigeonnier 
Le pigeonnier du château de Bridoire est exceptionnel avec ses neuf piles. Il n’y en aurait que deux de ce type en Dordogne. Il a été classé monument historique en 1992. Des travaux conservatoires ont été effectués en 1997. Malheureusement il a été affublé d’une horrible toiture en tôle. Elle était soit disant provisoire, mais 7 années se sont déjà écoulées… Aussi, pour qu’il retrouve une véritable toiture en tuile ancienne, l’Association lance, en juin 2004, une opération « Restauration de la toiture du Pigeonnier » dans le cadre des nouvelles lois sur le mécénat. Les amoureux du patrimoine ont acheté une ou plusieurs tuiles au tarif d’un euro pièce, les ont personnalisées en inscrivant leur nom sur la face inférieure. En septembre 2004, plus de 1500 personnes, familles ou associations avaient acheté plus de 8000 tuiles. Le financement était acquis, il n’en coûtait pas un euro à l’Etat. L’entrepriseLagrange-Truffant de Cunèges, qui travaille déjà avec les bâtiments de France, avait établi un devis très bas pour la circonstance. Il restait aux autorités administratives compétentes de définir et mettre en œuvre les démarches administratives liées à ce type d’opération. Force est de constater qu’un an plus tard, les tuiles n’étaient toujours pas montées. Des divergences entre plusieurs administrations sont apparues, certains responsables ont bien essayé de faire avancer ce dossier mais ce ne fut pas le cas pour tous.

2005 suite de l’opération de mécénat

La D.R.A.C. de Bordeaux par l’intermédiaire du conservateur des monuments historiques et de son adjoint vont faire tout ce qui est en leur pouvoir afin que cette opération de mécénat qui ne coûte pas un euro à l’Etat n’aboutisse pas. Notre association qui a réussi à sauver le château à leur insu est leur bête noire. Réussir encore une opération de mécénat c’en est trop ! Malgré notre insistance pour que les travaux soient terminés pour les journées du patrimoine 2005 le dossier n’en finit pas de traîner. Le directeur de la SOTRACO et président du MEDEF propose lui aussi de participer à cette opération en offrant gratuitement les services de son entreprise. Mais, suite à une rencontre avec le bras droit du conservateur, au mois de juillet, il devient subitement muet et injoignable. L’appel d’offre est lancé fin août, l’entreprise est choisie le 5 septembre. Bien sûr, c’est l’entreprise Lagrange-Truffaut, qui participait à l’opération il y a un an, qui est retenue. Il reste juste 12 jours avant l’inauguration prévue, depuis un an et demi, pour le 17 septembre. C’est encore possible, il y a 10 jours de travaux. L’entreprise est prête à intervenir Elle attends le feu vert de madame l’architecte des bâtiments de France qui en refusant le début des travaux avant 12 septembre rend volontairement impossible la grande fête que nous avions prévue pour les journées du patrimoine le 17 septembre ! Cette volonté délibérée et préméditée de retarder la restauration du pigeonnier va dans le sens souhaité par monsieur le conservateur : « je ne viendrai pas à l’inauguration, je ne peux pas vous féliciter ». Donc plus d’inauguration, les 70 pigeons qui devaient s’envoler du pigeonnier sont décommandés Mais tel est pris qui croyait prendre ! Suite à d’autres complications administratives non innocentes les travaux débutent finalement le jeudi 15. L’entreprise enlève la tôle et là stupeur ! Dessous la charpente du pigeonnier qui a été en principe refaite en1997 laisse apparaître un spectacle de désolation. Seuls quelques chevrons ont été remplacés tous les autres sont pourris, le travail n’a pas été fait dans son intégralité en1997. Nous avons pourtant une preuve photographique de l’époque, les matériaux nécessaires à la réfection totale de la toiture sont bien parvenus au pied du pigeonnier mais ils sont manifestement repartis ailleurs…Nouveau scandale. Un certain affolement du Conservateur et de l’Architecte des Bâtiments de France s’en suit. L’entreprise qui avait été retardée pour que l’inauguration n’ait pas lieu se voit aussitôt intimer l’ordre de travailler tout le samedi afin de camoufler le plus possible sous des liteaux la misère de la restauration non effectuée en 1997 . Nous nous contenterons faute de pouvoir fêter la nouvelle toiture du pigeonnier de lire le « discours du pigeonnier » où il fait part de ses états d’âme ! Monsieur le conservateur, présent, est fort embarrassé, madame l’Architecte des Bâtiments de France, bien qu’annoncée par les médias renonce à venir. Le journal « Le Monde » a sorti la veille un article sur Bridoire : « le coup du pigeonnier ! » avec photo aérienne du château et ses belles tuiles roses. La restauration complète se terminera 15 jours plus tard, l’inauguration aura lieu à la Toussaint sans conservateur ni architecte de Bâtiments de France. Malgré toutes les tentatives des administrations pour faire échec à cette opération, le pigeonnier aura retrouvé une magnifique toiture restaurée dans les règles de l’art.

Faute de pouvoir vendre ni donner, le second château appartenant à la même société sénégalaise à Ecos en Normandie est rasé avec un bulldozer. Il était lui aussi à l’abandon et squatté. Aucune association ni aucune administration ne se sont motivées pour éviter ce massacre, désormais il n’y a plus de château ni communs à colombages qui étaient magnifiques un véritable gâchis pour notre patrimoine.
Le fils aîné de l’ancien empereur du Centre Afrique, contacté par téléphone lors d’un passage éclair en France reconnaît bien connaître le Château de Bridoire ayant été marié à une Bergeracoise. Il confirme que ce château était bien destiné à sa famille, connaît parfaitement le gérant de la société sénégalaise qui était un ami de son père mais ne sait pas les dessous de l’acquisition de cette propriété.

2006 Le montant de l’indemnité d’expropriation réévalué
Ce n’est plus 260 000 euros mais 530 000 euros qui sont attribués à la société sénégalaise par le tribunal administratif. Le gérant de la société sénégalaise fait bien sûr appel devant la cour de cassation. Il gagne du temps.

Nous proposons une nouvelle opération de mécénat pour voir le puits réhabilité avec sa ferronnerie (nous la gardons en lieu sûr depuis 1991 !) monsieur le conservateur, qui ne nous aime pas, refuse.

Un promoteur alléché par la beauté du site, veut faire un lotissement de plus de 500 maisons autour du château. Sous prétexte de faire un golf et avec des promesses alléchantes, il arrive à convaincre quelques élus dont la naïveté n’a pas de limite. Nous sommes obligé de remonter au créneau et de démontrer que ce promoteur est un manipulateur et un affabulateur (c’est facile). Nous demandons l’application des lois, à savoir celles sur la covisibilité autour des édifices classés et la protection d’un site qui est reconnu par l’Etat comme entité paysagère à préserver.

2007 Nouvelle bévue administrative révélée :

Nous avons découvert depuis trois ans une gaffe administrative commise lors de l’expropriation. Nous avons écrit à tous les responsables de ce dossier pour les rencontrer : directeur du patrimoine, préfet, conservateur de monuments historiques. Aucun ne répond, stratégie concertée. Nous faisons alors une nouvelle manifestation pour dénoncer le projet immobilier et révéler que la parcelle n°43, qui permet l’accès au château à partir de la route par l’allée centrale, n’a pas été expropriée. Le portail d’entrée posé par les responsables de l’Etat l’a été sur une parcelle appartenant encore à la société sénégalaise. Impossible désormais de l’utiliser sans violer une propriété privée. Un nouvel imbroglio ubuesque ! Qui pourra reprendre un château sans l’allée centrale qui conduit au châtelet d’entrée ? Une fois de plus nous sommes consternés…

Octobre 2007, un tournant pour le dossier Bridoire? Monsieur Boissier-Palun décède à Bruxelles. Selon certaines informations, il aurait quitté la France suite à une tentative d'attentat. Il est enterré au Sénégal à Dakar, en janvier 2008, dans l'indifférence la plus totale. Le faire part de décès paru dans le journal le Figaro ne mentionne aucune décoration française telle Grand Officier de la Légion d'Honneur. Il était manifestement fâché avec la France. Que va devenir la Société Roume Boufflers dont il était le gérant? Nouvelle énigme à éclaicir!

2008 Bridoire pourrait être vendu aux enchères dès la fin de l'année
Tous nos courriers envoyés aux administrations concernées restant sans réponse nous interpellons madame Christine Albanel, ministre de la Culture.

Elle demande à la direction du Patrimoine de nous recevoir. Nous voici pour la troisième fois en 18 ans à Paris. Nous sommes reçu par la responsable de ce dossier au ministère. Comment allez vous procéder pour récupérer la parcelle d'entrée qui n'a pas été expropriée ? réponse "nous n'avons pas oublié de l'exproprier, c'est normal elle ne touchait pas l'édifice, elle n'avait pas à être expropriée" Pourquoi alors avez-vous posé la barrière d'entrée sur cette parcelle qui n'appartient pas à l'Etat? " "On ne sait pas qui l'a mise là!" Nous avons oublié qu'une administration ne commet jamais d'erreur. La collaboratrice de madame la ministre nous annonce que dès la fin des procédures judiciaires prévue avant la fin de l'année le château sera vendu aux enchères au plus offrant. Nous obtenons que la rétrocession à un euro soit reconsidérée pour une collectivité territoriale. En effet cette proposition faite par l'Etat, il y a deux ans, n'avait jamais pu être mise en oeuvre vue les procédures judiciaires en cours. Quand au parc du château d'une quarantaine d'hectares qui appartient toujours à la société sénégalaise fantôme, l'Etat ne l'expropriera pas ce n'est pas son rôle.

Nouvel imbroglio en perspective, le repreneur quel qu'il soit se retrouvera avec un château sans son entrée naturelle, sans le jardin potager ni le parc ni la cascade ni les lacs qui en assuraient l'alimentation en eau. Autant dire que le potentiel pour en faire un pôle touristique est bien réduit.

Il nous reste à travailler avec les élus pour trouver une solution pour reconstituer le domaine et le gérer sans que cela coûte cher aux collectivités...

2009 fin du contentieux juridique, l’Etat ne respectant pas ses engagements décide de vendre à un privé.
Début janvier, le Conseil d’Etat rend son verdict : le recours de monsieur Boissier Palun concernant l’expropriation n’est plus recevable car celui-ci est mort. Etonnant car tout le monde pensait que madame Boissier Palun était cogérante, ce n’est manifestement pas le cas pour la Cour de Cassation. En principe ce n’est pas le décès d’un gérant d’une société qui éteint une plainte. Finalement le Conseil d’Etat solde une affaire d’Etat qui l’empoisonne depuis des années de façon expéditive.

Nous alertons alors tous les élus sur l’urgence d’un tour de table avec l’administration, les élus et les repreneurs afin de trouver le meilleur scénario pour faire du site de Bridoire un pôle touristique majeur. Suite aux diverses réunions du comité de pilotage en 2002, aux déclarations des présidents de Région, du Département ce château doit rester dans le domaine public ce qui est conforme à l’expropriation pour utilité publique. Le scénario est simple. Une collectivité ou un groupement de collectivités reprend le château pour un euro, puis exproprie les terres et la parcelle d’entrée pour 0 euro, la société sénégalaise n’existant plus. Puis la collectivité propriétaire du site en confie la gestion et l’entretien à un syndicat d’économie mixte ou un privé à l’aide d’un bail sur 50 ou 99 ans. Bridoire devient alors le pôle touristique majeur et structurant qui manque en Bergerac selon les études faites par un cabinet spécialisé en 2004. Deux porteurs de projets se présentent avec des financements.

Trop simple ! Entre l’Administration qui ne communique ni avec sa hiérarchie ni avec les élus, ni avec les citoyens et les élus plus préoccupés par des querelles personnelles que du développement touristique aucun tour de table n’a lieu. Tous nos courriers de relance au mois de mai, tant au niveau de la Région que du Département ou que de l’Administration restent sans réponse. Tout le monde s’en moque !

Et ce qui devait arriver arrive : madame Christine Albanel, ministre de la Culture, avant de quitter ses fonctions, annonce dans un courrier, fin juin, que le château sera vendu, à la fin de l’année 2009, par France Domaine au prix du marché immobilier. En clair, fini la collectivité à un euro et le pôle touristique. Nous sommes revenu 20 ans en arrière. Allons nous voir apparaître une nouvelle société sénégalaise, chinoise, américaine… qui n’aura pas d’autre alternative que de fermer le château ne pouvant ni acheter, ni exproprier le parc et l’entrée…. ? Où sera alors l’utilité publique ?

Nous alertons les médias début août. Madame la Préfete, qui n’a toujours pas répondu à notre courrier du mois de mai, ne semble pas apprécier. Elle tient une conférence de presse à laquelle nous ne sommes, bien sûr, pas invités. Elle confirme la vente par France Domaine, dit que l’Etat fait son travail et veillera à ce que le château reste ouvert au public ! Comment ? Elle ne le précise pas. Aucune loi ne peut imposer à un propriétaire, qui ne demande aucune aide de l’Etat, d’ouvrir son bien au public. C’est ainsi que le château classé de Bannes, en Dordogne, ne peut plus se visiter depuis son rachat par un privé de nationalité suisse. Un scénario que nous voulons éviter.

Pour les journées du Patrimoine, les 19 et 20 septembre, nous avons l’accord du conservateur des Monuments Historiques pour utiliser la chapelle du château. Nous avons l’intention de fêter les 20 ans de l’Association en projetant un diaporama qui retrace 20 ans de combat au service du Patrimoine. Nous annonçons une conférence de presse le samedi après midi dans la cour du château. Mais coup de théatre ! Madame la Préfete nous envoie un email, le vendredi matin, nous interdisant le samedi non seulement l’accès du château mais tout le site de Bridoire. Aucune raison ne nous est fournie. Il faut sans doute nous empêcher de parler, le procédé est peu élégant et totalement inefficace. Nous tenons notre conférence de presse sur la route en présence du bras droit du conservateur des Monuments Historiques qui se retrouve, lui aussi, interdit d’accès à l’édifice. Le journal Sud Ouest fera, dès le lendemain dimanche, la une avec cet incident. Le dimanche, par contre, nous pourrons utiliser la chapelle. Malgré une pluie battante, plus de 2000 visiteurs viendront à Bridoire, peut-être pour la dernière fois accessible au public. Près de 600 personnes signeront une pétition afin que Bridoire reste ouvert au public.


Nous intervenons auprès du Ministère de la Culture, auprès de monsieur Xavier Darcos ministre du Travail afin de faire revenir le nouveau Ministre de la Culture sur la vente précipité du château par France Domaine. Nos démarches sont couronnées de succès. Un premier courrier courant novembre du directeur du Patrimoine, puis un second mi décembre, signé de monsieur Frédéric Mitterrand, annonce que le château sera finalement proposé d’abord aux collectivités territoriales qui seront intéressées. L’article 52 de la loi de finances 2010 va permettre aux collectivités qui en font la demande de devenir propriétaire d’un bien appartenant à l’Etat. L’espoir de voir l’avenir de Bridoire choisi par les élus et non subi par une vente aux enchères renaît. Malheureusement le 29 décembre le Conseil Constitutionnel retoque avec la taxe carbone cet article de loi. La rétrocession à une collectivité est remise à plus tard.


2010 le suspense continue.

Nous écrivons à deux reprises à madame la Préfète de la Dordogne, pour la rencontrer et faire le point sur diverses questions de fond à savoir : comment va faire l’Etat pour assurer l’utilité publique et l’ouverture au public dans le temps, quelles sont les possibilités juridiques pour reconstituer le site parc et château, comment purger le droit de retour de l’ex-propriétaire… Aucune réponse ce qui est tout à fait anormal.

Monsieur le Sous préfet de Bergerac, nouvellement arrivé, demande à nous rencontrer. Il n’a manifestement pas étudié ce dossier, est incapable de répondre à la moindre question « L’Etat n’a pas besoin d’une Association pour savoir ce qu’il a à faire, il prendra les décisions utiles en son temps et n’a pas à en rendre compte à votre Association ». Discours formaté d’une autre époque. Quand en haut lieu les ministres prônent le dialogue avec les citoyens, regrettant le trop grand décalage avec l’administration, ils ont du travail sur la planche !

L’administration essaie en vain de contacter la société sénégalaise ex-propriétaire pour savoir s’il elle veut reprendre son bien, elle est prioritaire. Elle écrit à madame Boissier-Palun faute de savoir qui contacter. Les courriers restent sans réponse ce qui est tout à fait prévisible. L’épouse du gérant mort n’est pas concernée par cette affaire. Il faut savoir qui est aujourd’hui le gérant de cette société qui possède d’autres biens à travers le monde, quels sont les ayants droit et actionnaires. Mais l’Etat, qui a toujours fait comme si cette société existait, se retrouve devant une impasse. Si la vente est décidée l’acquéreur devra savoir qu’il peut, pendant trente ans, voir apparaître un ayant droit susceptible de lui réclamer son bien. Autant dire que dans ces conditions, sans aucune certitude de pouvoir acheter le parc ni la parcelle d’entrée Bridoire devient invendable. La seule solution nous ne cessons de le dire depuis des années étant de transférer le château à une collectivité qui en confiera la gestion à un privé sous la forme d’un partenariat public-privé.

2011 Heureux dénouement


11 juin 2011: la commission, présidée par la préfète de la Dordogne, retient deux dossiers de repreneurs qui sont convoqués pour défendre leur projet. Pour l'un déjà propriétaire d'un château dans le Loiret, il souhaite le restaurer et l'ouvrir rapidement à la visite tout en protégeant l'environnement du château. Pour l'autre, promoteur immobilier, Bridoire serait l'emblème d'un grand parc touristique de plus de 150 hectares avec villages d'artisans, animaux, produits du Périgord, hôtels, piscine...

13 juillet: Bridoire a un nouveau propriétaire: monsieur et madame Guyot propriétaire du château de la Ferté Saint Aubin dans le Loiret. Des professionnels de l'animation touristique et des amoureux du patrimoine. La commission a eu la sagesse d'écarter le risque de voir des constructions immobilières autour du château. La magie du lieu sera conservée. Il aura fallu 22 ans de mobilisation d'une association soutenue par les médias. Une partie de bras de fer, relayée par les médias, entre trois acteurs : propriétaire, administration et association. Plus d'une vingtaine de procédures judiciaires. Finalement et c'est la conclusion, chaque fois qu'une association de citoyens et l'administration se sont mis à travailler ensemble dans la concertation, un miracle s'est produit, le Patrimoine en est sorti vainqueur. Une leçon à méditer pour tous.
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