mardi 1 mars 2011

Offre d'emploi d'un vieux château

QUI SUIS-JE ?
Je suis un des deux monuments historiques classés du Bergeracois,
je viens vous offrir mes services. Au cours de ces vingt dernières années, j'ai fédéré plusieurs milliers de personnes qui ne voulaient pas que je disparaisse.

En 2001, alors que j'étais au plus mal,j'ai vu se rassembler à mon chevet tous les élus et administrations de la Dordogne. Ils étaient tous là, regroupés au sein d'un comité de pilotage: député, conseiller régional, conseillers généraux, député européen, préfet, sous-préfet, maires, président du Pays. Tous étaient unanimes pour ne pas me laisser mourir. Leur solution, pour me sortir du coma dans lequel j'étais plongé, était qu'une collectivité me donne l'hospitalité puis que je sois confié à un spécialiste privé qui m'aurait réanimé. Un P.P.P. partenariat- public-privé ont-ils dit ! Pour le financement,
ils étaient prêts à monter des dossiers au niveau de l'Europe, de l'Etat, du Département, de la Région, des financements croisés. Quand tout le monde s'y met, il est possible de faire des miracles m'ont-ils dit pour me rassurer. J'étais confiant, j'allais retrouver la santé.

Plusieurs études très sérieuses ont été diligentées, j'étais susceptible de relancer et dynamiser le tourisme en Bergeracois. J'avais les atouts pour devenir, moi et mon parc, un site majeur structurant en synergie, avec entre autres, la ville de Bergerac, le château de Monbazillac, la bastide d'Eymet et le village médiéval d'Issigeac. Tous ensemble nous allions donner une nouvelle image emblématique et séduire les clientèles pour rééquilibrer l'offre touristique entre les deux pôles phares que sont Saint Emilion et le Sarladais. Un bel enjeu de mise en scène attractive du Pays de Bergerac ! Mais

il fallait que je sois d'abord exproprié.

C'est ce qui m'est arrivé en 2003, j'ai été transféré provisoirement à l'Etat qui m'a aussitôt soigné et puis m'a proposé aux collectivités pour un euro ! Pas trop cher me direz vous! Cela tombait bien.

Des porteurs de projet privés sont alors venus me voir, très intéressés. Des spécialistes du tourisme reconnus en France. Même que certains avaient des financements importants, du mécénat d'entreprise, comme pour le palais des glaces à Versailles !

J'ai aussi reçu la visite des meilleurs spécialistes de l'économie, de l'emploi et du tourisme en Aquitaine. Tous ont reconnu le rôle que je pouvais jouer. Ils ont insisté, chiffres à l'appui, sur la situation du Bergeracois qui est actuellement en Aquitaine des plus alarmantes. Il ne fallait pas laisser passer cette opportunité car si un site patrimonial génère en moyenne neuf emplois, un euro investi dans le patrimoine génère à minima entre 27€ et 30€ de retombées économiques. Je me suis mis alors à rêver: la renaissance du camping, du plan d'eau abandonné de Sigoules, les gîtes, les circuits à pied, à cheval, en vélo, tout était envisageable… il n'y a qu'a regarder le succès de l'œnotourisme en Gironde pour comprendre l'enjeu pour les communes. Il fallait donc impérativement éviter que je reparte dans le domaine privé et devienne comme les châteaux de Bannes ou Chaban aujourd'hui fermés à la visite, suite à leur rachat.

Je comptais sur le président du Conseil Régional. Lorsqu'il m'a rendu visite, il a trouvé mon site magique et m'a dit vouloir réaliser un projet dans l'intérêt général. C'est aussi ce qu'ont dit le président du Conseil Général, le député actuel et le maire de Bergerac: je dois rester dans le domaine public et être valorisé en étant confié à un gestionnaire privé. Ils étaient tous à l'unisson, même que le président du Conseil Général s'est dit prêt, devant les journalistes, à mettre un million d'euros pour me racheter alors qu'un simple euro suffisait. Encore fallait-il qu'il engage le dialogue avec le représentant de l'Etat, et ça c'est une tout autre histoire semble-t-il !

Oui, hélas, je suis un doux rêveur... Pouvais-je imaginer que ces gens n'étaient pas sincères ? Car la réalité est toute autre aujourd'hui. Ils ne veulent plus rien faire si ce n'est m'assurer de leur soutien moral ! Impossible de leur faire confiance.

Même le conseiller général du canton, le premier concerné, sur qui je pensais pouvoir compter tourne la tête pour ne pas me voir. Pourtant il y a du travail pour sortir le canton du marasme actuel, pas besoin de vous faire un dessin, vous connaissez la situation.

Sans doute va-t-on voir des élus, sourire aux lèvres, venir nous dire que nous pouvons compter sur eux lors des prochaines élections, mais je ne suis plus dupe. En vingt ans j'en ai vu beaucoup de sincères mais bien d'autres qui prisonniers de leurs arrière-pensées électorales, ont oublié leurs engagements et pensent d'abord à leur intérêt personnel ou celui de leurs amis: Fini, l'intérêt général!

Je vais donc être vendu dans les prochains mois à un privé qui n'aura aucune obligation juridique de m'ouvrir au public. Je m'attends encore une fois à voir des promoteurs immobiliers vouloir se servir de mon image pour réaliser des profits en dénaturant complètement mon environnement avec des constructions. Aussi je recherche toujours une ou plusieurs collectivités et des élus dynamiques, ayant le sens de l'intérêt général, une vision sur le long terme. J'ose encore croire à la mobilisation des élus du Périgord. Ne me laissez pas tomber, il en va de l'avenir du Bergeracois.

Signé: Bridoire
seul château médiéval du Bergeracois en attente d'emploi


Un exemple: Alarmé par l'état de décrépitude de l'hôtel de Guénégaud, la Ville de Paris l'a acquis par voie d'expropriation puis loué pour une durée de 99 ans à la Fondation de la Maison de la Chasse et de la Nature, à charge pour celle-ci d'en assumer la restauration et l'entretien.

Pourquoi ce qui est possible ailleurs, ne le serait-il pas en Bergeracois?

1 commentaire:

  1. Au château de Laxion près de Thiviers (www.laxion.fr), il n'y a plus beaucoup de toitures ni de décor (2 incendies en ont eu raison pour moitié) ; et le potentiel touristique de Corgnac n'est pas celui de Bergerac : mais des privés peuvent aussi vouloir avec sincérité et passion sauver un monument, sans le dénaturer ; et l'ouvrir au public ; l'intérêt collectif en est bénéficiaire. L'essentiel n'est-il pas que le château survive et se restaure, même si l'impulsion est "privée"? Bravo pour votre courage obstiné! F. D.

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